Ailleurs
Il est assis sur une valise et il ne parle pas.
Il y a tant de solitudes autour de lui mais qui ne se voient pas. Lui, ses yeux sont baissés et il tend un gobelet. Il ne sait pas depuis quand il est là, il préfère ne pas compter. Les vies défilent autour de lui, mais il ne les voit pas. Les gens passent à côté de lui, mais ils ne le voient pas. Parfois quand il ferme les yeux, il entend mieux le bruit des pas, le bruit des pas sur le bitume. Les klaxons et puis les téléphones, les gens pressés qui courent après quoi. Qui courent après qui.
Il est assis sur sa valise et il ne parle pas.
Parfois il ose, il lève les yeux. Jamais trop haut, il faut savoir rester à sa place.
Il reste assis sur sa valise et il ne parle pas.
Il n’est pas vieux alors parfois, il rêve que sa valise l’emmènera, ailleurs. Loin, quelque part. Dans un coin d’espoir. Il lève les yeux. Et sur son visage, le coin de ses lèvres, il y a comme une gêne, comme un mot d’excuse. Pardon d’être là. Pardon d’être là, à mendier comme ça. Sans présentation. Et sans grand discours. Pardon d’être là. Toute la journée, il voit défiler en lettres noires, en majuscules, cette publicité qu’il déchiffre sans mal : « l’indifférence. L’indifférence tue ».
Il n’en veut à personne. Un jour, il se lèvera, encore. Sa valise à la main qui l’emmènera. Ailleurs.